Si la lampe magique d’Aladdin m’était tombée sous les mains à quinze ans, j’aurais surement souhaité pour le dernier tome de la saga Harry Potter, la paix dans le monde et une frange. À seize ans, j’aurais je crois demandé la fin du règne de George W. Bush, la paix dans le monde et une queue-de-cheval comme dans les magazines.
L’histoire se répète. Oui, la ligne éditoriale capillaire de ma vie est sinueuse. Oui, j’ai les cheveux frisés. Il m’en a fallu beaucoup de temps pour accepter cette broussaille qui me sert de tignasse. Et il m’en a fallu encore plus pour dénicher les bons produits et réaliser les bonnes contorsions qui me permettent aujourd’hui de dompter convenablement cette crinière.
J’ai toujours rêvé d’avoir une belle queue-de-cheval. Vous savez, cette longue couette élégante et raffinée qui vous tombe délicatement dans le dos. Oui, vous le savez petites chanceuses, mais moi je ne l’ai jamais su. Ma queue-de-cheval à moi ressemble plutôt à un rongeur perdu dans un buisson inerte qui va difficilement plus loin que mes omoplates.
Car avoir les cheveux frisés signifie devoir attendre 1001 ans avant qu’il y ait une différence perceptible à l’œil nu quant à leur longueur. C’est bien vrai: plus un cheveu frisé pousse, plus les années passent et plus…rien. Parce que dès qu’ils atteignent la longueur idéale, il est déjà trop tard. Pointes cassées et assèchement extrême obligent: il faut couper.
Alors maintenant couper, je veux bien, mais où? Combien de fois me suis-je assise dans un salon de coiffure pour me voir aussitôt shampouinée, rincée, brossée et coupée, seulement pour que la coiffeuse se rende compte deux heures et demie plus tard que la coupe qu’elle m’avait faite mouillée ne reflète pas du tout celle que j’ai sèche? Trop. Leçon numéro deux: plus un cheveu frisé est court, plus il remonte. De l’importance d’un bon coiffeur, a déjà dit Marou.
Aux cheveux frisés se succèdent aussi de multiples questions dignes d’un cabinet des curiosités. Oui, ils sont naturels. Oui, j’en ai beaucoup, effectivement. Non, je ne les lisse presque pas. Une ou deux fois déjà peut-être. Parce que je n’ai pas le quart de ma vie à perdre. Oui, ça prend du temps. S’ils étaient lisses, ils seraient bien plus longs, en effet. Je les brosse sous la douche. Oui, tu peux les toucher.
Mais si je rencontrais ce génie aujourd’hui et qu’il me demandait ce que je voudrais y changer, je lui demanderais de ramener Edith Piaf à la vie pour qu’elle nous chantonne gaiement non, rien de rien, je ne regrette rien. Accepter ma toison comme elle est a été le prélude d’une nouvelle ère de ma vie, une ère remplie de confiance et de bien-être capillaire. Je dois d’ailleurs à ma mère, fière ascendante de ces boucles qui sont les miennes, et les siennes, une reconnaissance éternelle pour m’avoir continuellement encouragée à ne jamais les cacher.
Car, entre vous et moi, si l’on oublie les frisottis constants, les milliers de dollars sauvés en shampoings, mais malencontreusement dépensés en revitalisants, les cheveux qui se coincent constamment partout (branches d’arbres, bagues, boucles d’oreilles (les siennes et celles des autres), boutons de collet et montres de poignet; si on oublie que sa tête le matin dépend de l’humeur des dieux, qu’elle est aussi imprévisible que la météo montréalaise et aussi fiable que son imprimante la veille d’une date de remise de travaux; si on oublie tout ça, avoir les cheveux frisés est une chance incroyable, une veine incontestable d’être différente, d’être unique parmi cent autres et de ne pas passer inaperçue, tout en étant soi-même.
C’est bien connu, on désire toujours ce que l’on n’a pas. Et bien, il est maintenant temps d’accepter ce que l’on possède. Parce que dès que vous commencerez à aimer vos frisettes, elles vous aimeront en retour. Et ça, c’est encore plus précieux que la paix dans le monde.
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