C’était la semaine passée, je rentrais en train d’une énième semaine à Avignon. Je repartais le cœur gros, plein d’amour, de rires et de promesses chuchotées à demi-mot.
Les yeux rivés sur le paysage, passant d’un troupeau de vaches à quelques maisons abandonnées, je ne faisais même plus attention au nom des gares auxquelles mon train s’arrêtait. Mais là, cette annonce grésillant dans l’interphone de mon TER venait de me sortir de ma torpeur estivale. Pierrelatte. Je le connaissais ce nom et pourtant, il me fallu quelques instants pour remettre les bribes d’un passé incertain en ordre.
Comme une vague naissante à quelques mètres de la plage, la nostalgie s’est emparée de moi. D’abord doucement et puis d’un seul coup, fracassant mes souvenirs sur son passage et laissant mon cœur naufragé au milieu de l’écume grise de larmes et d’excuses bredouillées.
À travers les vitres de mon train je l’avais photographié là, penaud, une main derrière le dos son téléphone dans l’autre. Un sourire timide aux lèvres, il ne me quittait pas du regard, me suppliant de descendre, de le rejoindre et de ne jamais, jamais, plus jamais partir. Le fil rouge à son poignet était devenu notre seul lien, je t’appartiens, tu m’appartiens, on s’appartient.
La gare de Pierrelatte avait été témoin de la douleur que seule la jeunesse amoureuse peut connaître : crue, mélancolique et poignante. Celle qui avale le bonheur et ne le digère pas. Celle qui essouffle et rend aveugle.
Une légère secousse me sortit de ma torpeur. Un homme venait de s’asseoir à ma droite. Je l’ai remercié intérieurement; merci homme-bouée qui vient de me sauver, sans vous je me serais probablement noyée dans mes souvenirs.
La nostalgie est un bien vilain défaut lorsqu’on ne sait pas la contrôler et je m’y connais particulièrement bien dans ce domaine.
Lorsque le train s’est ébranlé, direction une autre ville sans peine d’amour cette fois-ci, merci bien, je me suis jurée de ne plus jamais ressasser le passé. Le regarder droit dans les yeux est une chose, mais l’amadouer, le toucher et le ressusciter en est une autre. Vivre dans le moment, YOLO comme on dit, c’est ce qu’il faut.
Son fantôme m’a envoyé un baiser que j’ai balayé du revers de la main. Pas le courage. J’ai fermé les yeux et j’ai oublié. La nostalgie s’est dissipée en emportant avec elle ses baskets orange, ses yeux bleus, ses mains sèches et son sourire d’enfant.
Place à de nouveaux souvenirs maintenant.
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