En tant que voyageurs et voyageuses, le pouce fait partie de nos habitudes. On l’a tous déjà fait au moins une fois, que ce soit pendant deux heures en Amérique du Sud, deux jours en Asie du sSud-est ou trois mois d’Oslo à Beirut.
Trois filles en auto-stop doivent constamment être sur le qui-vive – on ne sait jamais sur qui on peut tomber. Toutefois, on fait parfois des rencontres étonnantes, peu dispendieuses en billets de banque et plus qu’enrichissantes. Pour le meilleur ou pour le pire. Car dès qu’on s’installe dans une voiture, il y a deux scénarios possibles.
Scénario 1
Soit la conversation s’amenuise à mesure des kilomètres parcourus. Après avoir causé de tous les sujets obligatoires d’une première rencontre – les origines, les études, le travail, la parenté et peut-être bien la musique ou le cinéma des fois – on ne peut trouver aucun autre sujet à aborder même si notre vie en dépendait. Un silence mal aisant s’installe dans la petite Golf à deux portes, entrecoupé de hochements de têtes discutables et de rires nerveux.
On regarde par la fenêtre, feintant l’examen détaillé du paysage. En réalité, on ne fait qu’éviter le regard du conducteur à travers le rétroviseur. Les nids-de-poule nous réveillent brusquement d’un assoupissement vaporeux et on s’assure d’avoir avec nous tous nos effets personnels – on n’est jamais trop prudents. Embarrassés d’avoir douté de l’âme charitable qui nous fait une si grande faveur, on s’efforce de continuer la conversation fastidieuse, exténuante autant pour nous que pour lui.
Le voyage se termine en queue de poisson, quelque part entre notre destination finale et l’endroit où notre pouce s’est malmené. On se dit « Au revoir » de façon hâtive et « Merci » de façon sincère. On se souhaite une bonne continuation et nos chemins se séparent tranquillement.
Scénario 2
Soit on tombe sur deux filles rentrant d’un voyage de surf. Planches sur le toit et sable sur les pieds, elles nous font de la place dans leur Jeep and off we go. Au son de Maria Bethânia et d’Eddie Vedder, on bavarde de gars, de soleil, de mer et de surf. On en apprend sur leur art, leurs anecdotes et leurs passions. On parle de nos intérêts, de nos voyages et de notre soirée d’hier.
Quelque part le long du littoral brésilien, on se rend compte qu’on a des amis en commun. Pas possible! On réalise à quel point le monde peut être si petit et le hasard si bien fait. On somnole légèrement – lendemain de veille oblige – et on reprend de plus belle nos découvertes mutuelles.
Puis le paysage urbain s’alourdit petit à petit. Il n’y a plus d’océan sinon quelques cours d’eau qui ne sentent pas la rose. Moins d’arbres et plus de voitures, les montagnes laissent place à la périphérie citadine. Onze millions d’habitants, ça fait du monde à São Paulo. Le vent dans les cheveux et les souvenirs de notre fin de semaine dans la tête, on se peine à terminer ce voyage. Pourquoi ne pas profiter des derniers rayons de soleil de la journée et prendre un petit verre avant de nous quitter?
Dans ce petit quartier charmant, il y a des terrasses à profusion qui sont bien remplies pour un dimanche après-midi. Les peintures murales et les flip-flops cohabitent avec un match de foot et des talons hauts. Cheers! Quatre verres, cent rires et une petite samba plus tard, on se remercie chaudement et on se dit Aurevoir comme si on s’était connues depuis toujours. On se donne nos contacts respectifs et on se jure de se revoir. On a même déjà fait des plans pour le week-end prochain.
Au fond de nous, on n’y compte pas trop, car on sait qu’il faut beaucoup de travail pour faire évoluer ces rencontres fortuites, aussi divertissantes soient-elles, en amitié à long terme. Quoi qu’il en soit, on vient de passer un très beau moment inattendu qui vaille la peine d’être commémoré. Si on pouvait donner un high-five à notre pouce, on le ferait.
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